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ARTICLE DE ROCK MAG (AVRIL 2001)

Une silhouette s'avance, seule, et fait face à un piano majestueusement dressé. Le silence est total et le degré d'intimité de la performance est tel que l'auditoire est suspendu au moindre geste du maître. Le temps de faire craquer discrètement ses phalanges et l'artiste s'apprête à exécuter un mouvement particulièrement ardu. La salle Pleyel retient son souffle. A des kilomètres de là, At The Drive-In est en train de mettre le feu à une MJC surchauffée sur le point d'exploser. Shake your ass motherfucker !

La maison du diable
C'est dans la banlieue de Lyon, et plus précisément à Villeurbanne, qu'a lieu la dernière date française de la tournée d'At The Drive-In. Les stakhanovistes d'El Paso sont programmés ce vendredi soir à la CCO, une salle associative étrangement située entre les tours à l'architecture stalinienne de la cité voisine et l'aumônerie étudiante. L'après-midi touche à sa fin et les membres d'At The Drive-In se relaient dans la salle de danse (cours folkloriques le mardi et le jeudi) où viennent de défiler presse et radios locales, toutes désireuses d'approcher LE phénomène rock de ces derniers mois. Jim Ward (guitare et slacker en puissance), le taciturne Tony (basse), Paul (batterie) [petit plantage dans l'article, Paul est le bassiste et Tony le batteur] et Cedric Bixler, le chanteur facilement identifiable à sa choucroute délirante, font le va-et-vient entre le bus de la tournée et la salle. Seul Omar Rodrigues [encore une erreur: c'est Omar Rodriguez], l'autre permanenté du combo, manque à l'appel. Le guitariste suit un régime végétalien l'astreignant à passer ses journées à dormir sur les banquettes de leur hôtel mécanique de fortune. Le veinard! Jim profite d'un break bienvenu pour confirmer le statut de forçats de la route récemment acquis par le groupe: "On n'a dû prendre que 3 semaines de vacances en 2 ans. On est tout le temps sur la route, et la dernière fois qu'on a fait un break, on s'est retrouvés en studio pour enregistrer Relationship Of Command. Cette tournée commence à être fatigante. On n'a vraiment pas eu le temps de digérer ce qui nous est arrivé ces derniers mois. On vend 100 fois plus de disques que d'habitude [dans une interview, le groupe disait vendre à peine 10000 CD tous les albums confondus par an avant Relationship Of Command], mais nous ne trouvons pas que les choses aient tellement changé pour nous". At The Drive-In est aujourd'hui à mi-chemin entre une reconnaissance internationale et des conditions de tournées parfois précaires. Pour preuve, un néon tombé du plafond a failli décapiter Tony l'après-midi même... La nuit tombe enfin et le CCO prend des allures de conventions du disque, avec la présence de bacs dans lesquels on peut trouver un échantillon représentatif de la production de la scène punk locale. Fanzines, vidéos et tracts à l'effigie de José Bové et de Mummia Abu Jamal abondent le long des stands sur lesquels Omar, enfin sorti de sa sieste, jette un regard à la fois amusé et curieux. A l'intérieur de la salle, l'ambiance est tout autre. La température des lieux est alarmante, tout comme le set survolté de Samian, un groupe hardcore de San Francisco tout droit issu de l'écurie Sub Pop. On approche 23 heures et les 38°c, lorsque At The Drive-In au complet déboule des backstages et s'apprêt à entrer en scène. Omar se trémousse sur l'air de salsa proposé par la sono, tandis que Cedric trépigne déjà d'impatience. La chaleur en profite pour atteindre son pic et les murs suintent d'humidité. Pire, des gouttes de condensations se mettent à perler aux 4 coins de la salle. Certes, nous ne sommes pas dans la maison hantée d'Amityville, mais lorsqu'une volée de larsens déclenchée par Omar s'échappe des stacks Marshall, il est clair que le sang va couler ce soir.

No Moshing !
A la surprise générale, Cedric prend la parole et invite le public présent à respecter les consignes élémentaires de sécurité. "No moshing !" implore le chanteur en rappelant les évènements tragiques survenus le mois dernier au festival Big Day Out en Australie, à savoir le décès d'une spectatrice piétinée pendant le set de Limp Bizkit. Visiblement choqué par cette tragédie, Cedric nous confiait durant l'après-midi son inquiétude au sujet du problème grandissant de la sécurité du public dans les festivals : "Il faut faire quelque chose. En Australie, nous nous sommes produits juste après un groupe qui a encouragé le public à péter les plombs. J'ai été choqué de voir des fans se faire éjecter des premiers rangs par une bande d'abrutis occupés à slammer. J'ai même vu des types se faire hisser par-dessus la fosse sur des planches de surf ! Nous ne voulons pas servir de B.O. à ce genre d'évènement. On a décidé de ne pas jouer pour des raisons de sécurité, c'est tout. MTV montre tout le temps des clips où le public se comporte de cette manière, et je ne te parle même pas du manque de respect envers les filles dans les concerts. En Australie, une fille s'est fait porter par la foule et les gars ne pouvaient pas s'empêcher d'esssayer de la tripoter. Je m'en veux encore aujourd'hui de ne pas être intervenu." Cet avertissement pris en compte, Cedric s'empare d'une paire de maracas et le groupe entre dans le vif du sujet en catapultant Arc Arsenal dans la stratosphère. Le chaos est total : Omar se sert de sa guitare comme d'un hulla-hoop et Cedric, tel un breakdancer anorexique, se lance dans une danse de Saint-Guy avant d'être stoppé net dans son élan par un problème technique : les sauts de cabri d'Omar ont eu raison de son pauvre jack et le véritable début des hostilités est reporté de quelques minutes. At The Drive-In reprend les choses là où ils les avaient laissées quelques secondes plus tôt en se déchaînant de plus belle. Mannequin Republic voit ensuite Cedric s'essayer au moog, pendant qu'Omar fait joujou avec sa pédale whammy. Cedric profite que tout le monde ait le dos tourné pour grimper sur les enceintes. Juché à 3 mètres au-dessus de la fosse, notre Wayne Kramer de poche retombe sur scène quelques secondes plus tard, en parfaite synchro avec sa section rythmique qui accompagne son retour sur la terre ferme d'un break cinglant. On s'agite un peu dans les premiers rangs, et il n'en faut pas plus à Jim pour demander au public de reculer d'un pas avant de troquer sa 6 cordes contre un clavier. Grand fan de Radiohead devant l'éternel, Jim joue volontiers le rôle de paysagiste sonore du groupe, et c'est dans un climat des plus déroutant qu'At The Drive-In se lance dans une impro destructurée en plein milieu de Quarantine. Les solos épileptiques d'Omar se dispersent bientôt dans la brume de chaleur qui s'élève au-dessus de la fosse. Cedric remercie le public pour être aussi cool et s'empare d'une Les Paul en annonçant le titre suivant : le fracassant Rolodex Propaganda est dédié à Cristopher Reeves (Mr Superman) pour une raison indéterminée. Les 3 guitares d'At The Drive-In se mêlent dans un ahurissant fracas sonique, Cedric manque de se pendre avec le fil du micro et Omar casse une corde pour la 3e fois de la soirée. Ultra-cool, le guitariste végétalien termine le morceau au tambourin, tandis que Jim est déjà affairé à programmer la boucle techno d'Enfilade. Le temps de réaccorder les instruments (canicule oblige) pour la dernière fois de la soirée et One Armed Scissor repousse le public lyonnais dans ses derniers retranchements. Cedric s'essaye avec succès au moonwalk avant de quitter la scène en compagnie de ses acolytes. Minuit sonne lorsqu'At The Drive-In décide de revenir en découdre avec les 600 personnes entassées dans le local. "Clap your hands motherfucker !" lance Cedric, épaulé par la rythmique martiale de Napolean Solo. La danse tribale reprend de plus belle et c'est finalement un 198d de première bourre qui clôt les débats.

Babylon
Trempé jusqu'aux os et au bord de la déshydratation, le public se rue ensuite sur le bar et épuise le stock de bières en un temps record. Il faudra toute la tenacité et l'abnégation de notre photographe kamikaze pour mettre la main sur le breuvage tant espéré. En coulisses, Jim est toujours souriant malgré des traits tirés tandis que le reste du groupe s'est isolé dans le bus, avec sûrement des rêves de douches et de bains moussants plein la tête. Jim émet le souhait de retourner aux Etats-Unis pour retrouver les fans, savourer le succès de Relationship Of Command et se remettre à l'écriture. At The Drive-In se produit le lendemain à Milan, la fin de la tournée approche et Cedric pense déjà à l'avenir de son projet dub intitulé De Facto : "On a essayé de retrouver l'esprit des punks qui, après avoir fini leurs concerts, rentraient chez eux, se roulaient un joint et se passaient des disques de King Tubby, Augusto Pablo, Lee Perry..." Dans le hall du CCO, l'ambiance bat son plein, les T-shirts et autres vinyles collector trouvent preneurs et pour une fois, les discussions d'après concert mettent tout le monde d'accord. On n'est pas près de revoir At The Drive-In à la CCO de Villeurbanne.

 
 

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